Montpellier : « Créer une fédération de commerçants non dépendante de l’argent de la mairie », propose Akkim Djenadi

lundi 13 octobre • 14:07
Akkim Djenadi accompagne des commerçants dans leur stratégie digitale depuis 2016. Le trentenaire alerte sur les difficultés "croissantes" du commerce de l'écusson et le "mépris" du maire à son égard.

InfOccitanie : Vous multipliez les prises de position à charge contre la mairie sur les réseaux sociaux, relatives à l’attractivité commerciale. Qui est Akkim Djenadi ?

Akkim Djenadi : J’ai 33 ans, je suis né à Montpellier, j’y ai vécu toute ma scolarité. J’ai un parcours assez atypique, le système d’admission en études supérieures n’a pas été très gentil avec moi. Malgré mes bons résultats au bac de marketing européen, j’ai eu du mal à trouver une formation supérieure. De 2012 à 2016, j’étais dans un trou noir, je ne voyais aucune perspective, c’était très dur. Je suis finalement allé à la Mission locale jeunes de la Croix d’Argent, qui m’a proposé à l’époque un stage en ‘Erasmus plus’ en Italie, afin de sortir de ma zone de confort. Cela s’est super bien passé en termes d’adaptabilité.

InfOccitanie : Quelle a été votre première expérience auprès d’un commerçant du centre-ville de Montpellier ?

Akkim Djenadi : A mon retour d’Italie, j’ai rejoint un chantier d’insertion numérique au Petit Bard, en 2016. En tant qu’assistant chef de projet web, il me fallait trouver un stage. Je l’ai fait dans un commerce à Montpellier, spécialisé dans les vêtements de seconde main. Le gérant était allergique aux nouvelles technologies, je lui ai conçu une stratégie permettant d’attirer des clients. Puis, j’ai suivi un bac plus deux et j’ai décroché le titre de ‘community manager’ en licence. Aujourd’hui, j’envisage de me mettre à mon compte pour proposer mes services digitaux / événementiel à ceux qui en ont besoin.

InfOccitanie : Vous dénoncez un phénomène de « désertification » commerciale du centre-ville. Quel a été le déclencheur selon vous ?

Akkim Djenadi : Les gilets jaunes ont fait naitre à l’époque une appréhension chez les clients, qui perdure aujourd’hui. Souvenez-vous, les samedis, on n’osait pas trop prendre la voiture, encore moins aller faire les boutiques car les ronds-points et les routes étaient souvent barrés. Cela a crée, je pense, une barrière psychologique à la consommation, qui a favorisé un début de désertification du centre-vile. Puis le Covid a tout chamboulé, les aides dédiées aux commerçants n’étaient pas à la hauteur, elles couvraient à peine leurs charges. Dans le commerce pour lequel je travaillais, toutes les planètes étaient alignées : il répondait à un besoin de faire des économies, était vertueux écologiquement, contribuait à créer du lien social, et pourtant il a été lourdement impacté.

InfOccitanie : Les décisions de mobilités de la Ville n’y sont donc pas pour grand chose ?

Akkim Djenadi : Bien sûr que si ! J’allais y venir. Le « choc des mobilités » en 2022 impulsé par le maire Michaël Delafosse a été une catastrophe. Les travaux interminables ont paralysé la Comédie et d’autres artères marchandes. Cela crée de la frustration chez le client qui tourne en rond pour se garer et finit par abandonner. On oublie que ceux qui consomment sont en partie issus de l’extérieur de l’agglomération. Ce que je reproche à Michaël Delafosse, c’est un véritable mépris vis-à-vis des commerçants. J’ai une anecdote en tête qui m’a marqué, tant cela m’a fait de la peine. Je suis resté abasourdi par tant d’indifférence.

InfOccitanie : Quelle est-elle ?

Akkim Djenadi : Le 27 juin 2025, je me promène avec un ami commerçant dans les rues de Montpellier. Bingo, on tombe nez-à-nez sur Michaël Delafosse, visiblement en sortie scolaire avec une petite dizaine d’élèves. Mon ami prend son courage à deux mains et décide d’aller lui parler. Je me mets en retrait pour le laisser tranquillement, tout en assistant à la scène. Mon ami fait part au maire de ses difficultés en raison des choix de la mairie, avec un ton très calme. Il lui demande de l’aide, le supplie même. Vous savez ce que le maire lui a répondu ? « Aujourd’hui, je ne suis pas maire, je suis professeur ». Comment peut-on être insensible à ce point face à la détresse humaine ? Comment peut-on tourner le dos aussi facilement à un homme qui vous implore de l’aider ? Par ailleurs, un maire reste un maire et ne peut se dédouaner de ses responsabilités de la sorte.

InfOccitanie : Achats en ligne, baisse du pouvoir d’achat, d’autres facteurs peuvent expliquer une consommation en berne. M.Delafosse n’a pas de baguette magique…

Akkim Djenadi : Je sais bien, ce n’est pas Dieu le père… Par contre, il peut soutenir ses commerces comme le font d’autres maires en France avec réussite. Prenez le Grand bazar à Montpellier, la communication de la Ville est largement insuffisante. Fut une année, c’est moi qui ai informé une presse locale qu’allait se tenir le bazar afin d’avoir un article au profit des commerçants ! Est-ce normal ? Et puis, on ne peut pas se contenter de leur dire : « sortez vos vêtements dans la rue, on vous ajoutera une fanfare », c’est un manque de volonté. Je rappelle qu’un commerce physique a besoin de 100 000 à 120 000 euros de chiffre d’affaires pour générer un emploi, le « pure player » doit en générer 300 000 environ…

InfOccitanie : Moins de voitures, plus de vélos, une circulation plus apaisée, n’êtes-vous pas d’accord avec le concept ?

Akkim Djenadi : Oui, à condition que la santé économique ne soit pas sacrifiée… Deux visions politiques se font face, je ne suis pas dans l’excès et souhaite apporter de la nuance. Je suis en faveur du vélo pour se déplacer, mais il faut laisser les artères libres pour l’accès à la ville. Pour accéder au parking de la préfecture en ce moment, c’est une pagaille monumentale. Les automobilistes font demi-tour tellement ils n’y comprennent rien. N’oubliez pas aussi que beaucoup sont des personnes âgées, ou des personnes en situation de handicap. Certains n’osent pas prendre le tram pour des questions de sécurité….

InfOccitanie : Extension de la ligne 1, gratuité du tram, quel est votre avis ?

Akkim Djenadi : L’extension, je suis complètement d’accord. Mais rendons à César ce qui appartient à César, cela a été décidé sous Philippe Saurel. Je vais même aller plus loin, le tram 1 devrait aller jusqu’à l’aéroport. Concernant la gratuité, je ne suis pas d’accord, c’est extrêmement coûteux pour une ville déjà fortement endettée. Une politique tarifaire adaptée aurait suffi (travailleurs précaires, étudiants, mères isolées, etc.). Personnellement, je crois à la participation symbolique à l’année. Les utilisateurs souhaitent une fréquence de tram importante et ne pas se faire agresser. Non pas entrer dans le tram gratuitement.

InfOccitanie : Vous évoquez des « tentatives de suicide » de commerçants, sont-elles liées uniquement à leur activité professionnelle ? Comment le prouver ?

Akkim Djenadi : Deux commerçants ont fait une tentative de suicide liée à leur commerce en faillite, dû en partie à des mauvais choix de la municipalité. J’ai eu accès notamment à un certificat psychiatrique d’un professionnel, attestant d’un état de dépression profond lié à l’activité professionnelle à Montpellier. C’est une hémorragie, j’y assiste de près. Un ami à moi qui a plié boutique essaie encore de se reconstruire aujourd’hui. Un commerçant a contacté la mairie via le formulaire en ligne, aucune réponse, même pas d’accusé de réception. Le 12 avril dernier, dans le cadre des déambulations de « Montpellier change avec vous », le maire est allé à la rencontre des commerçants. Je l’ai interpellé devant l’Opéra-Comédie pour lui demander pourquoi il ne se rendait pas au coeur de l’écusson prendre le pouls. J’étais très calme, pas du tout vindicatif. Il n’a eu aucun argument à me donner, il n’est pas ouvert au dialogue, c’est dramatique.

InfOccitanie : Vous militez pour la création d’une fédération de commerçants « libres », affranchis des « subventions de la mairie ». Pouvez-vous développer ?

Akkim Djenadi : Il faut créer une véritable fédération de commerçants libres, en effet. Certaines associations sous perfusions de subventions de la mairie, ne sont pas représentatives des interêts des commerçants. Certains commerçants craignent même de s’exprimer, par peur de représailles. C’est le seul moyen de porter une voix crédible, fidèle à la réalité du terrain, afin de mettre la mairie face à ces contradictions. J’invite tous les commerçants qui souhaitent changer les choses à me contacter, nous ne sommes pas des personnes aigries, nous souhaitons simplement le dialogue et la co-construction. Contact : contact@akkim-djenadi.fr.

Linda Mansouri/InfOccitanie.