« Bardellamania ». Une très longue file d’attente s’étale jusque devant le Musée de la romanité à Nîmes, dimanche 2 novembre 2025. Dans le public, beaucoup d’adolescentes, de jeunes couples, des familles aussi. Accompagné de parlementaires gardois dans son cortège, Jordan Bardella réussit son coup de force symbolique à la Grande Bourse : témoigner de la potentielle assise du RN dans la capitale gardoise, gouvernée depuis des décennies par les Républicains. Reste que pour l’heure, à Nîmes, aucun candidat RN n’a été positionné par le parti à la flamme pour les municipales, tandis que la campagne avance tambour battant. A ses côtés, les députés RN, UDR et l’ancien maire de Beaucaire, Julien Sanchez, savourent. Ils jubilent presque, galvanisés par les acclamations de la foule. L’arrivée est tonitruante. Tiré à quatre épingles, jouant d’une élégance façon dandy, lunettes studieuses vissées sur le nez, voilà Jordan Bardella starisé (vidéos en fin d’article).
Le « précieux » de Marine Le Pen
Indéniablement, Jordan Bardella a su recruter et fédérer la jeunesse sur les réseaux sociaux, à grand renfort de publications virales sur Tik Tok. Une stratégie de communication et des codes intégrés, qui, combinés aux soubresauts institutionnels, à la violence économique et à l’atomisation de la Gauche, porte ses fruits. Dans la file d’attente, un certain Kevin, 12 ans, nous confie son ressenti : « Jordan aime la France lui au moins. Il ne nous laissera pas tomber ». Les propos bruts d’un adolescent qui devraient amener les écuries politiques à mesurer leur responsabilité face à l’Histoire.
« Je suis convaincu que le RN arrivera au pouvoir »
Le « précieux » de Marine Le Pen martèle la ligne du parti fondé par le patriarche, Jean-Marie Le Pen : »une volonté de rassembler les Français », de « s’adresser à tous les orphelins des partis traditionnels », de « bâtir l’alternance ». Face aux journalistes, le jeune Jordan Bardella (30 printemps) caresse sa boule de cristal : « Je suis convaincu que le RN arrivera au pouvoir ». Un mot sur l’actualité ? « On voit l’arrivée des ordonnances, la volonté d’Emmanuel Macron d’imposer le vote du budget contre les travaux du Parlement ». La carte joker du souverainisme est dégainée du panier : le « contre budget » proposé par le RN, érigeant la « baisse de la fiscalité » comme totem, au profit des « familles françaises et des entreprises qui produisent en France ».
« Le RN a refusé le blocage des prix, la taxation des superprofits, il est contre une fiscalité plus juste »
A quelques pas des arènes de Nîmes, le son de cloche est littéralement opposé. Le Prolé, fief des Communistes, réunit les forces de Gauche, exceptée LFI, qui esquissent un sombre tableau. « Jordan Bardella vient tenter de travestir la réalité alors que le RN trahit chaque jour le pays. Derrière les grands mots, il y a les votes », assène le premier secrétaire du PS gardois, Pierre Jaumain. Le même de fustiger les votes du RN à l’Assemblée nationale ou au Parlement, allant « contre les salaires, les retraites, les droits sociaux ». Pierre Jaumain cultive alors la mémoire : « Le RN a refusé le blocage des prix, la taxation des superprofits. C’est un parti de la souffrance sociale qui a fait un pacte politique avec les plus puissants, en instrumentalisant les peurs ». Il clôturera son plaidoyer sur le volet probité avec les « condamnations du parti, et les élus locaux mêlés à des scandales à répétition ».
« Fondé par des nostalgiques du pétainisme »
Deuxième rassemblement, non loin du Prolé. Le comité Visa 30* (Vigilance et Initiatives Syndicales Antifascistes), constitué d’organisations syndicales dans le Gard, se réunit à 13h pétante, devant l’église Saint-Paul. Au micro, les syndicalistes dénoncent aussi la venue « du représentant d’un parti autrefois fondé par des nostalgiques du pétainisme, des militants néo-nazis et d’anciens membres de l’OAS. » Avant de poursuivre : « Le RN est un parti raciste, xénophobe, antisémite, islamophobe, homophobe, transphobe et sexiste, dont le projet de préférence nationale est contraire aux principes de notre Constitution, issus des idéaux de la Résistance, et des conventions internationales des droits humains. »
« Bravo, nous, on aime la police ! »
Alors que Jordan Bardealla signe son livre, un groupe d’antifascistes fait irruption de l’autre côté du boulevard. Survenus de nulle-part, ils plongent les CRS sur le qui-vive, lesquels dressent aussitôt un cordon de sécurité. « La jeunesse emmerde le Front national », « Siamo Tutti Antifascisti », « Bardella dégage de là » : florilège de propos scandés à l’attention des fans du politique. Ces derniers répliquent en chantant la Marseillaise, en huant massivement. Des heurts se déroulent, les CRS parviennent finalement à faire reculer les militants, de l’ordre d’une cinquantaine. « Bardella casse toi », c’est le message de la banderole déployée par deux manifestantes quelques minutes plus tôt, sur la façade des arènes de Nîmes. Une fois celles-ci interpellées par les forces de l’ordre, entend-on dans la file d’attente : « Bravo, nous, on aime la police ! ». Elles seront finalement placées en garde à vue. A Nîmes, comme ailleurs, la « Bardellamania » suscite autant de polarisation. Les vidéos à découvrir de cette journée ci-dessous :
*Les syndicats du comité Visa 30 : SNES-FSU, FSU-SNUIPP, CGT Educ’action, CGT Territoriaux, SUD Éducation, SUD Collectivités territoriales, SUD Santé Sociaux, Solidaires Étudiants, CNT.


