Isabelle Laffont, doyenne de la Faculté de médecine Montpellier-Nîmes, revient sur l’année écoulée et les projets dans les cartons.
Plus de 13 000 étudiants, 429 enseignants et 166 personnels administratifs, la plus ancienne faculté de médecine en activité du monde (date de création 1220) offre à ses étudiants une pédagogie moderne et de nombreuses filières de formations médicales et paramédicales allant de la médecine à l’orthoptie, en passant par l’orthophonie ou la maïeutique.
InfOccitanie : comment expliquer l’attractivité de la Faculté de médecine Montpellier-Nîmes ?
Pr Isabelle Laffont : il y aurait beaucoup à dire. L’enseignement de la médecine à Montpellier ne s’est jamais arrêté, même aux périodes les plus difficiles de notre histoire de France. La faculté a traversé les âges et dispose d’un patrimoine historique exceptionnel. A Shanghai par exemple, beaucoup connaissent cette 8e faculté de France en nombre d’étudiants. En Occitanie-Est, la « dynamique santé » est très importante, portée par l’écosystème dans sa globalité, avec deux grands CHU que sont les CHU de Montpellier et de Nîmes, une très grande Université avec ses trois composantes santé, des organismes de recherche très représentés, et un maillage territorial remarquable de centres hospitaliers et de maisons de santé.
Quel projet majeur peut-on citer pour l’année 2024 ?
Sur 2023 et 2024, quelques projets très structurants ont vu le jour. Nous avons notamment conduit la réforme dite R2C, du Second cycle des études de médecine. Concrètement, elle vise à former les étudiants sur les connaissances, mais également sur les compétences. Ces dernières correspondent au savoir-faire, tel qu’un examen clinique, ou le déroulement d’une stratégie thérapeutique, mais également au savoir-être, dont la communication et l’annonce de mauvaises nouvelles par exemple. Je suis fière de cela, il fallait cesser de sélectionner les étudiants uniquement sur des QCM mais les observer et évaluer leurs aptitudes et leurs attitudes.
Quel autre sujet a marqué l’année 2024 ?
La territorialisation de l’offre de formation et de Recherche. Une faculté de médecine a pour mission de donner une formation professionnelle, mais aussi scientifique. Cette dernière ne peut se construire que si elle existe dans un écosystème scientifique important, notamment dans les grandes universités. Pour autant, il faut créer des antennes dans les territoires, pour multiplier les impacts des formations et contribuer à répondre à la problématique des déserts médicaux.
Quelles antennes ont été ouvertes ?
Nous avons ouvert quatre antennes de territoire et nous en ouvrirons d’autres cette année. Une trentaine d’étudiants de médecine de la faculté sont en stage au CH de Perpignan. Nous avons ouvert une antenne à Béziers avec 14 postes pour les étudiants, à Mende également. A Alès, nous avons ouvert une antenne avec une dizaine de postes. Ces antennes universitaires de territoire ont la vertu de faire le lien avec l’écosystème local : le CH, les cabinets de médecine générale, les maisons de santé pluriprofessionnelles, l’institut de formation en soins infirmiers… La territorialisation est l’une des réponses au désert médical, les retours des étudiants envoyés dans les territoires sont très positifs. Nous gardons en tête que là où ils se forment, un jour probablement, ils s’installeront.
D’autres ouvertures sont-elles prévues en 2025 ?
Nous allons continuer cette stratégie de territorialisation dans quatre autres grandes villes : Narbonne, Sète, Millau et Bagnols. L’ambition à terme est aussi de créer quelques postes d’enseignants dans des gros CH, en lien avec la faculté. Cela permettra de renforcer l’offre de formation en territoire.
Quels sont les éléments impactant l’installation d’un jeune médecin selon vous ?
Les facilités d’accueil, notamment les services publics, les activités sportives et culturelles. Les jeunes médecins sont à la recherche de pratiques collectives, avec un regroupement de médecins permettant d’organiser la permanence des soins, pour pouvoir se libérer quelques demi-journées. Les maisons de santé pluriprofessionnelles permettent aussi aux médecins de travailler en lien avec les professions paramédicales. Les jeunes sont très demandeurs de cet exercice pluriprofessionnel coordonné par un médecin.
Coopération interprofessionnelle, comment la faculté contribue à son essor ?
Il s’agit d’assurer l’offre de soin en équipe, en se répartissant les tâches. Au sein de la faculté, cela passe par l’universitarisation des formations paramédicales afin de les monter en compétences et d’apprendre aux étudiants de travailler ensemble dès les bancs de l’université. Je suis très fière des 4 formations paramédicales intégrées physiquement à la faculté de médecine. Cette dernière compte par ailleurs 4000 étudiants paramédicaux répartis dans les instituts de formation en territoire, qui sont également étudiants à l’Université.
Doit-on, à l’image des officines de pharmacie, contraindre l’installation des médecins en zones de tension ?
Il faut tout faire pour l’éviter, ce serait très contre-productif et enverrait un signal extrêmement négatif aux jeunes. Pour autant, il y a une urgence absolue à agir. Il existe des solutions incitatives, comme promouvoir les implantations en territoires avec un engagement d’une journée par semaine sur les territoires tendus. Des études montrent par ailleurs que lorsque l’on contraint le médecin, il finit par s’en aller… On sait aussi que la territorialisation de la formation médicale, à partir de grosses facultés de médecine qui créent des antennes en territoire, participe aux actions incitatives efficaces pour faire évoluer cette inéquité d’accès aux soins. Le train est en marche et ces actions incitatives doivent monter en charge de façon très rapide.