Montpellier : derrière le téléphone, les standardistes du CHU en « première ligne »

jeudi 20 novembre • 07:18
13 standardistes travaillent chaque jour au standard du CHU de Montpellier où ils doivent faire face à des appels de plus en plus récurrents et agressifs. Un métier essentiel, encore peu connu et en quête de reconnaissance.

Au rez-de-chaussée du centre administratif André Benech, derrière un escalier banal et une porte discrète marquée d’un simple écriteau “standard”, se cache un lieu que peu de gens remarquent. C’est ici qu’évoluent chaque jour Stéphanie, Laurence, Fabienne et leurs collègues, les voix du CHU, communément appelées « standardistes », celles qui orientent quotidiennement près de 2 000 personnes. Une fois la porte franchie, le temps maussade de l’extérieur laisse rapidement place à une ambiance rayonnante et chaleureuse.

« Il y a une très très bonne ambiance », rigole Laurence, ancienne aide-soignante de 47 ans. « C’est ce qui fait qu’on vient travailler tous les jours ici, on rigole toutes. Du coup, la journée va passer plus vite même si elles peuvent être longues et les appels peuvent être difficiles, on va toujours trouver le mot pour rire », complète Stéphanie Vidal, présente depuis deux ans et demi au standard. Une atmosphère joviale qui permet aux standardistes de relativiser et de faire face à des appels parfois de plus en plus agressifs.

Une agressivité accrue

« Les agents font face à de plus en plus de personnes agressives », rapporte par téléphone Stéphanie Bonjean, responsable du standard. « C’est vrai que depuis la fin du Covid beaucoup de personnes vont être insultantes, dire que l’on ne sert à rien, etc. », témoigne Fabienne Giraud, standardiste depuis dix ans. « On l’entend tous les jours », renchérit Stéphanie Vidal. Ces comportements agressifs vont parfois même jusqu’aux insultes : « pte », « connasse » et d’autres encore…
Face à ces appels difficiles, chacune a sa manière de relativiser. « On respire », lance sur le ton de l’humour Laurence. De son côté, Fabienne opte plutôt pour la « méditation » une fois sa journée de travail terminée, même si « parfois des émotions sont plus difficiles que d’autres à gérer ». Mais avec la frénésie et la densité des appels reçus, ces messages négatifs sont rapidement laissés derrière. « On prend rapidement l’appel d’après et c’est passé », explique Laurence. Stéphanie, assise à sa gauche, complète : « Le fait que l’on s’entende bien fait que parfois on le prend à la rigolade. »

Un rythme effréné

Au sein du standard du CHU de Montpellier, treize agents se relaient 24h/24 et 7j/7 pour traiter près de 460 000 appels par an, soit environ 2 000 par jour, entre 150 et 200 appels par agent. Un rythme effréné, en hausse chaque année, auquel s’ajoutent des missions d’astreinte après 18 heures et le week-end, lorsque les standardistes gèrent les appels techniques « pour une panne informatique ou une fuite d’eau », précise la responsable du standard. Le nombre croissant d’appels, couplé à des difficultés de personnel (arrêts de travail, mutations, départs), fait que de nombreux appels ne peuvent être traités. En 2024, 27 % d’entre eux n’ont pas pu aboutir.

Un manque de reconnaissance

Chaque jour, les standardistes répondent à un grand nombre de personnes cherchant à joindre le 15 ou d’autres services du CHU. « Il y a aussi beaucoup de gens qui, au lieu d’appeler SOS Suicide, appellent le standard car ils ne connaissent pas le numéro. On se retrouve avec des personnes en difficulté. Donc on doit les réorienter. On a une grande variété d’appels », témoigne Fabienne. « On est en première ligne. Les personnes pensent appeler l’hôpital mais ne savent pas que c’est le standard. Ils pensent qu’on est psychologues, médecins, etc. Ils sont mal informés sur le numéro qu’ils composent », complète Stéphanie. Pour les standardistes, la population comme les professionnels devraient être davantage sensibilisés au rôle du service. Dans cette optique, les agents ont demandé à leur responsable de communiquer au mieux que ce soit en interne (via intranet) ou en externe (via internet) sur leur rôle et missions exactes. Une requête prise en compte par la direction.
« Je pense que c’est un métier qui mériterait un genre de diplôme ou une reconnaissance. On ne donne pas que des numéros de téléphone. On a une responsabilité importante, et ce n’est pas assez mis en avant », confie Fabienne. Les standardistes tiennent aussi à souligner la bienveillance de leur responsable. « On voulait faire remonter la bienveillance et l’écoute de Stéphanie [Bonjean], et que s’il y a eu des changements positifs sur le standard, Stéphanie y était pour beaucoup », s’accordent les trois femmes.

Malgré les difficultés auxquelles elles sont confrontées, les trois collègues gardent le sourire et se disent heureuses de travailler ici au quotidien, comme le résume Laurence : « Je ne veux pas changer de poste, je suis très bien ici. Je ne bouge pas jusqu’à la retraite. »

Antoine Fagant/InfOccitanie.