L’évènement a été mijoté aux petits oignons avec, en guise de décor, le Pont du Gard, emblème du ruissellement de l’eau, synonyme de vie. Auditorium Pitot, rive droite, des centaines de professionnels et d’élus étaient réunis pour aborder le sujet de l’or bleu et des préoccupations qui en découlent quant à ses multiples usages. « L’eau dicte notre urbanisme, elle façonne nos territoires, reliant les générations », contextualise Françoise Laurent-Perrigot, présidente du Conseil départemental du Gard.
L’eau, cet or bleu
Trop souvent perçu comme « un acquis en tournant le robinet comme un geste naturel », l’eau nous met en garde. Dérèglement climatique, sècheresse, inondation, le fluide est une ressource non extensible à souhait. « Il nous faut en parler maintenant, pas uniquement dans les situations de sècheresse », suggère la présidente du CD30, selon qui, malgré les récentes pluies, « le cycle de l’eau est perturbé par le changement climatique et sa qualité décline ». Pour marquer les esprits, rien de tel qu’une projection dans le temps : « le climat du Gard pourrait être celui de l’Andalousie en 2050, ou celui de l’Afrique en 2100 », expose d’un ton grave la cheffe du département.
Un forum inédit avec matière de concertations
Dans ce contexte, comment assurer la sécurisation de l’eau entre les usages (domestiques, agricoles, industriels), tout en veillant à la maitrise des coûts et en poursuivant l’innovation des infrastructures pour réduire les pertes colossales dans nos réseaux d’adduction ? Le forum « Eau et climat » permettait d’en débattre, un point d’orgue d’une série de 11 réunions territoriales, des Cévennes à la Camargue en passant par la romanité. Plus de 2300 réflexions ont été collectées auprès de contributeurs locaux divers, nourrissant la réflexion.
11 réunions au cœur des territoires gardois
Le forum réunissait experts, acteurs institutionnels, économiques et citoyens* pour partager connaissances, débattre des enjeux et découvrir des solutions innovantes. Bérengère Noguier, vice-présidente du Conseil départemental du Gard, déléguée à la transition écologique et à la biodiversité, insiste : « Le Conseil départemental joue un rôle clé dans l’adaptation au changement climatique sur l’eau : nous accompagnons les collectivités pour l’économie d’eau, l’amélioration des réseaux, la lutte contre la pollution, la sécurisation des ouvrages, la gestion des barrages et le soutien à l’hydraulique agricole ».
L’eau, un enjeu « de discorde » à venir ?
Une politique qui nécessite des arbitrages constants entre enjeux financiers, sociaux, environnementaux, conditionnée à un « engament volontariste de l’Etat, tant financier, légal, qu’administratif ». Françoise Laurent-Perrigot prévient : « il faut en faire un débat sociétal digne de ce nom, ou l’eau deviendra un sujet de discorde ». Le forum avait pour but de renforcer la cohérence de l’action des partenaires à l’échelle du département, de rendre plus lisible les réflexions. « La réponse ne peut être que territoriale, à chaque département ses spécificités », détaille la présidente.
Un sujet complexe loin de toute démagogie
Une vision appuyée par le préfet du Gard, Jérôme Bonet, qui salue la démarche de diagnostic impulsée par le CD30 et réaffirme le soutien constant des services de l’Etat. « L’eau, soit on en a trop, soit on n’en a pas assez », reconnait celui qui n’encourage pas la simplicité du discours mais l’appréhension d’un sujet complexe. « Les idées simples sont l’ennemi du sujet. J’entends dire qu’il suffirait de prendre quelques pourcentages de l’eau du Rhône pour irriguer, ou changer de culture pour un agriculteur implanté depuis des générations. Cela ne se fait pas en un claquement de doigts ! L’équilibre est ténu et complexe », juge-t-il. Les chiffres de nos besoins sont éloquents : « d’ici 2025, la demande en eau dans le Gard sera de plus de 11millions de m3, avec un bond de plus 20% de la population », détaille Olivier Gaillard, vice-président du Conseil départemental, délégué à l’aménagement du territoire.
Quels tarifs de l’eau aurons-nous en 2050 ?
Quid des tarifs de l’eau dans les prochaines années ? « Il faudra assumer, les prix risquent d’augmenter », projette Olivier Gaillard qui précise l’enveloppe du Département en eau et assainissement en 2023 : 54 millions d’euros. Pour l’heure, le coût de l’eau reste largement abordable, environ 1% du budget des ménages, le prix moyen du m3 étant de 4,30 euros. Le tout pour amener l’eau à domicile, la récupérer et la traiter… Tarification progressive, régressive, sociale en fonction des ménages ? Toutes les solutions sont sur la table pour une tarification la plus équitable.
Simon Porcher, professeur à l’Université Paris Dauphine PSL, auteur de « La fin de l’eau ? » aux éditions Fayard, soulève une problématique : « la tarification de l’eau est illisible, la gouvernance est incompréhensible ». Une posture non partagée par Jean-François Blanchet, directeur général du groupe BRL : « heureusement qu’il y a ces différentes couches liées aux redevances pour assurer la solidarité. Sinon on met l’eau en Bourse, entre les mains d’un seul agent économique et la facture sera ainsi bien simplifiée… ». En savoir plus sur le sujet, cliquez ici.
*Les intervenants du forum Eau et climat :
- Ophélie RISLER : Directrice de projet changement climatique – Ministère de la Transition écologique.
- Corinne LEPAGE : Avocate – Ancienne Ministre ;
- Simon PORCHER : Professeur à l’Université Paris Dauphine PSL, auteur de La fin de l’eau ? – aux éditions Fayard ;
- Jean-François BLANCHET : Directeur général du Groupe BRL ;
- Eric SERVAT : Directeur – Institut de l’eau et de l’environnement de Montpellier (IM2E) auteur de Le grand défi de l’eau – Harper et Collins 2025 ;
- Nicolas MOURLON : Directeur Général – Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse ;
- Christian CHAUVIN : ingénieur de recherche, spécialisé en écologie aquatique – INRAE ;